Tribune du collectif Bassines Non Merci 29

L’eau, un bien commun à défendre

Le 24/03/2023

La Bretagne connaît depuis des dizaines d’années des problèmes de qualité d’eau avec des pollutions aux nitrates et aux pesticides. Mais la sécheresse de l’année 2022 a fait prendre conscience de nouvelles problématiques liées à la gestion quantitative de l’ eau, problématiques amenées à devenir chroniques dans un contexte de changement climatique. Cette année 2022 nous a tous interrogés sur la disponibilité de l’eau et sur son partage. 

Rappelons que l’eau est reconnue patrimoine commun de la nation depuis 1992. Elle est également soumise, au niveau européen, à la Directive cadre sur l’eau  qui priorise ses usages : d’abord assurer l’eau potable, puis préserver les milieux naturels et enfin assurer les usages économiques qui lui sont liés (dont l’agriculture). 

Aujourd’hui ce qui se passe à quelques  centaines de km dans la région Poitou Charentes est alarmant. Des méga-bassines appelées officiellement « réserves de substitution » se multiplient avec l’appui de l’État, puisant dans les nappes phréatiques en hiver alors que celles-ci ne sont pour beaucoup plus en mesure de se recharger normalement (1) . Ces réservoirs artificiels géants privatisés servent à alimenter un système agricole dominant lié à l’agro-industrie (avec l’irrigation notamment de cultures comme le maïs destinées à l’élevage industriel et à l’export), et ce au mépris de la crise climatique en cours. Ces pratiques mettent en péril les écosystèmes qui dépendent directement des nappes phréatiques (assèchement des cours d’eau et des zones humides) et menacent dans certains cas jusqu’aux réserves en eau potable de la population (2) . Les avis de la communauté scientifique sont unanimes et condamnent largement ces procédés dévastateurs (3). 

Soutenu par l’État et financé en majeure partie par des fonds publics, le modèle d’accaparement des méga-bassines est amené à se généraliser sur tout le territoire français. En effet, ce sont 1000 projets  qui pourraient voir le jour suite au Varenne de l’eau de février 2022. Sous la pression de la FNSEA, certains préfets sont déjà à l’œuvre afin d’outrepasser les instances censées arbitrer leur implantation (4) voire même les recours juridiques gagnés ou en cours portés par les citoyens (5). 

Dans le Finistère, se tenait le 22 septembre 2022 à Rosporden le premier « Forum de l’irrigation » organisé par le syndicat Breizh irrigation, la Chambre d’agriculture 29 et l’UOPLI -Union des Organisations de Producteurs de Légumes Industrie ». Au terme de cette journée, une élue référente de la Chambre d’agriculture déclarait « il va falloir sérieusement réfléchir à faire des réserves d’eau l’hiver »(6). 

La lutte s’organise. Dernièrement, le 29 octobre 2022, 7000 citoyens, élus, syndicalistes, membres d’associations et venus de toute la France se sont rendus à Sainte Soline dans les  Sèvres. Déterminés à montrer leur opposition au plus gros projet de mégabassine jamais envisagé, ils se sont rendus à cette manifestation pourtant interdite par la préfecture. Ils ont bravé un dispositif disproportionné et ultra répressif de 1600 policiers mais ont réussi, ensemble, la « prise de la bassine » symbolique. 

  • Nous tenons donc, à travers cette tribune à nous mettre dès à présent en veille sur de tels projets qui pourraient émerger dans le Finistère ,d’en mesurer les effets néfastes prévisibles sur le cycle de l’eau et de mettre en oeuvre toutes formes d’actions que nous jugerons utiles pour s’y opposer.
  • Nous appellerons et travaillerons à la convergence et à la mobilisation des citoyennes et citoyens du Finistère (et au delà) pour les actions des collectifs BNM et particulièrement pour la prochaine grande mobilisation nationale et internationale des 25 et 26 mars en Poitou-Charentes.
  • Nous apporterons également notre soutien aux actions des collectifs Bassines non merci en organisant sur notre territoire des réunions publiques ainsi que tout autres moyens d’informations et d’actions permettant une meilleure connaissance des enjeux du partage de l’eau .
  • Nous soutenons les personnes menacées par la justice dans le cadre des luttes pour le partage de L’eau.

Nous appelons toutes les organisations (associations , syndicats , partis politiques…) avec chacune leurs spécificités d’engagements et d’actions à nous accompagner dans la lutte à travers un objectif : la défense de l’eau comme bien commun. .

No Bassaran

SIGNATAIRES : 

  • Europe Ecologie Les Verts EELV Kemper Kerne
  • Eau & Rivières de Bretagne
  • Fonds Graine de Moutarde
  • Collectif Bretagne contre les fermes-usines
  • ATTAC 29
  • Collectif des faucheurs faucheuses volontaires d’OGM Bzh
  • Fridays For Future Quimper
  • Confédération Paysanne 29
  • PIG BZH (Pisseurs et Pisseuses Involontaires de Glyphosate de Bretagne)
  • Reprendre la Bretagne aux Machines
  • AFCAB
  • CIVAM29
  • Extinction Rebellion Concarneau
  • Extinction Rebellion Brest
  • Extinction Rebellion Quimper
  • Europe Écologie Les Verts Bretagne
  • La Canopée des Salamandres
  • Nature & Progrès Haute-Bretagne
  • CIVAM29

(1) Le volume de la méga-bassine de Langon en Vendée est de 851 000 m3 soit l’équivalent de la consommation annuelle d’eau de 15 754 personnes (consommation d’eau sur la base d’une consommation annuelle par personne en eau potable de 150 litres (Ademe, guide pratique « Economiser l’eau et l’énergie chez soi », octobre 2017 ) ; celle de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, aurait au terme de sa construction un volume de 720 000 m3 . Source : DCE VF Lot3 SEV15 (dossier de consultation des entreprises pour la méga-bassine de Sainte-Soline. L’impact dévastateur des méga-bassines sur le Marais Poitevin, sur les cours d’eau adjacents et sur le cycle de l’eau est largement documenté à travers de nombreux articles émanents de personnalités scientifiques, d’hydro-géologues, de géographes, de spécialistes du climat, d’associations environnementales, de collectifs d’habitants, etc. Cf (3). 

(2) Cf. Dossier de Bruno Jeudi de Grissac, hydrogéologue agréé en matière d’hygiène publique pour le département des Deux-Sèvres pour la Communauté d’Agglomération du Niortais Service des Eaux de la Vallée de la Courance « captage de Chercoute à Maueé-sur-le-Mignon révision des périmètres de protection ». 

(3) Lire notamment à ce propos Florence Habets (hydrogéologue, directrice de recherche au CNRS), Emma Haziza (hydrologue), Bruno Jeudi de Grissac (hydrogéologue), Vincent Bretagnolle (directeur de recherche au CEBC, le centre d’études biologiques de Chizé), Magali Reghezza (géographe, membre du Centre de formation sur l’environnement et la société de l’ENS), et le collectif d’habitants Bassines Non Merci pour de nombreuses références sourcées.

(4) Comme en Ardèche ou sur les bassins Loire-Bretagne et Seine-Normandie : – Le lundi 26 septembre 2022, la FNSEA et la Coopération Agricole du bassin Loire-Bretagne ont déposé un recours contre les SDAGE au tribunal d’Orléans le 26 septembre 2022 afin d’outrepasser ces organes publics responsables de l’arbitrage des usages de l’eau et du contrôle de l’impact environnemental des projets de méga-bassines. https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/orleans-la-fnsea-declare-la-guerre-de-l-eau-1664185695 et https://larochesuryon.maville.com/actu/actudet_-eau-les-schemas-de-gestion-de-l-eau-irritent-les-agriculteurs-_region-5382694_actu.Htm

(5) Liste des recours juridiques contre les méga bassines https://bassinesnonmerci.fr/index.php/recours-juridiques/

(6) Article de « Le Télégramme  » du 6 août 2022

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *