Le 18 mars 2018, nous étions plusieurs centaines à manifester ici même pour le partage de l’eau alors qu’était relancé le projet des bassines du Clain, 43 à cette époque. Face à ce projet de bassine dit « Le Coudray » , de 13 ha et 500 000 m3, nous dénoncions le danger sur la disponibilité de la ressource en eau, l’encouragement d’une agriculture industrielle et ses impacts sur la qualité de l’eau.
Il y a 6 ans, nous avions choisi cette plaine, ce paysage désertique, exemple type d’un modèle agricole industriel destructeur.
Nous sommes face à des plaines asséchées par une irrigation toujours intense. Nous avons devant nous des terres mortes, dont l’extraction de rendements céréaliers n’est maintenue que par la perfusion coûteuse d’engrais chimiques, de pesticides, d’eau… un modèle dont la pérennité économique dépend des aides publiques. Un modèle déjà mort, qui court à notre perte et qu’il est donc urgent de bouleverser, de faire entrer dans un cycle vertueux du vivant contre le cercle vicieux de son épuisement. C’est à cela qu’il faut réserver l’argent public et l’eau disponible.
Mais l’obstination à ne rien changer vient de nous coûter 6 ans. 6 ans de dégâts mis largement en lumière par la longueur des assecs des courts d’eau, par la pollution généralisée de l’eau potable, par les dégâts du ruissellement lors des fortes pluies. 6 ans à s’accrocher au modèle bassines dont tout le monde a désormais bien compris qu’elles sont une mal adaptation au réchauffement climatique.
Imaginez un peu ce que nous pourrions voir se dessiner ici : des parcelles divisées par un dense réseau de haies, des arbres de plein champ qui commenceraient à abriter des cultures diversifiées et utilement associées ou des animaux au pâturage, des rivières aux méandres restaurés et des zones humides pour jouer un rôle tampon et de filtration, des fermes et des paysan.nes plus nombreux.ses aussi ! Mais il y a aussi tout ce que nous ne pourrions pas voir et qui serait pourtant le plus important : des sols vivants, fertiles et à la capacité de rétention d’eau nettement augmentée par d’innombrables racines, par le travail des vers de terre, des insectes, des champignons et bactéries, qui ne seraient plus éradiqué.es par le labour et l’utilisation frénétique des biocides. Des nappes rechargées et capables de soutenir le débit des rivières même en été parce qu’on aurait cessé de les exploiter systématiquement jusqu’à l’extrême limite.
Ce n’est pas ce que nous avons sous les yeux. Où sont les efforts ? Où est l’accompagnement de l’État ?
De tels changements nécessitent des investissements, de l’eau aussi pour aider ce cercle vertueux à s’installer, à faire face aux aléas qui ne manqueront pas de le fragiliser dans le contexte du changement climatique.
Voilà une idée de comment on peut gérer l’eau grâce à l’agriculture, voilà comment on peut stocker l’eau pour l’agriculture.
Comme depuis 6 ans, nous exprimons que le débat n’est pas pour ou contre l’irrigation : c’est quel type d’irrigation ? pour quelle agriculture ? et comment en faire des alliées de la bonne santé humaine et de l’environnement.
Il y a 6 ans, lors de cette manifestation nous nous félicitions que « Ce qui devait se régler dans des bureaux de la préfecture ou de la chambre d’agriculture est désormais sur la place publique. « . C’est pour cela que nous soutenions la démarche PTGE. Ce dont les pro-bassines ne voulaient absolument pas entendre parler, eux voulaient passer en force. Nos mobilisations ont heureusement empêché le hold-up sur l’argent public. Nous nous félicitons que leur protocole signé entre quelques amis n’ait suffi à obtenir le soutien de l’agence de l’eau Loire Bretagne. Nous avons finalement obtenu ce que nous souhaitions : la mise en place d’un PTGE.
Nous espérons que les élus en situation de conflit d’intérêt à qui vient d’être confié le pilotage de ce PTGE ne privilégieront pas leur intérêt personnel ou celui de leurs amis. Les attaques répétées notamment des élu.es de la majorité du Conseil départemental contre le constat scientifique d’HMUC, qui fournit les bases de cette discussion sur la gestion de l’eau et remet en cause la substitution sur ce territoire, ne peut que nous inciter à une extrême vigilance. Il en est de même pour le préfet référent qui affiche déjà toute sa considération pour la concertation en trouvant bon d’annoncer et encourager de nouvelles bassines en dehors de tout cadre règlementaire ou de débat public.
Si ce PTGE venait à valider des bassines autrement dit un accaparement de l’eau, alors le sens même du PTGE, à savoir trouver des consensus et désamorcer les conflits d’usages, serait triplement manqué :
-Il adopterait une mesure qui prolongerait l’irrigation excessive et rendrait donc difficile la restauration quantitative et qualitative des masses d’eau.
-Il n’aiderait pas les agriculteurs.ices à s’adapter au réchauffement climatique mais les plongerait un peu plus profondément dans la dépendance.
-Il engendrerait alors inévitablement l’exacerbation des conflits d’usage autour de l’eau.
Un PTGE avec des bassines serait un dévoiement du sens même d’un PTGE, il serait donc un échec. C’est pourquoi, pour tout le monde, il faut un PTGE sans bassines, sans accaparement de l’eau !
Nous sommes ici pour montrer que nous, citoyen.nes, attendons ces changements. Que nous sommes prêt.es à soutenir les paysan.nes et les institutions qui s’y engageront au service de la résilience de l’humanité, autant que nous sommes déterminé.es à empêcher ceux qui veulent précipiter son effondrement contre quelques grains d’or.
Que nous sommes prêt.es à nous mobiliser pour un véritable projet de territoire, un PTGE sans méga-bassines, un PTGE pour un juste partage de l’eau !
Le collectif Bassines Non Merci 86