Communiqué du 08-12-2023 par Bassine Non Merci et les Naturalistes des Terres
L’outarde, espèce protégée symbole de la lutte anti-bassines
L’outarde canepetière est une espèce migratrice qui vient se reproduire en Deux-Sèvres. C’est une espèce qui est particulièrement en danger et protégée depuis plusieurs décennies. Le Poitou-Charentes accueille plus de 80 % de la population migratrice d’outardes canepetières, qui a vu ses effectifs diminuer de 95 % entre 1976 et 2000. Aujourd’hui, on compte seulement 350 couples dans le Centre-Ouest de la France contre 6800 en 1978. Toute nouvelle infrastructure met en danger la nidification de l’outarde et de multiples espèces protégées (le busard cendré, le busard saint martin, l’oedicnème criard, la pie grièche écorcheur, la gorgebleue à miroir…). Les mega-bassines favorisent de plus la multiplication des grandes monocultures irriguées, toutes défavorables à ces espèces.
Menacée d’extinction, l’outarde fait l’objet de plusieurs plans de sauvegarde. Elle fait en particulier l’objet d’un plan national d’action, ce qui témoigne de l’urgence à agir. Cette espèce est classée « vulnérable » en Europe et « en danger » dans la liste rouge nationale et dans la liste rouge régionale des oiseaux de France.
Les Terres Rouges de Ste Soline sont historiquement un territoire d’accueil pour les espèces patrimoniales du département. Malgré le classement de la zone en site Natura 2000 du fait d’importants enjeux ornithologiques, un chantier de méga-bassine y a été autorisé. Le secteur où il est implanté est un des sites de reproduction les plus importants de la plaine poitevine.
Le collectif BNM, composé de plusieurs collectifs naturalistes, avait immédiatement alerté sur le danger d’un tel chantier et sur les obligations réglementaires en terme de protection des espèces. Lors de la mobilisation de décembre 2022 devant l’Agence de l’Eau Loire Bretagne, nous demandions à cette Institution, principale financeuse des projets de méga-bassines, de saisir le Conseil National de la Protection de la Nature pour garantir la protection de l’outarde, ce qui n’a pas été fait.
L’outarde est depuis devenue un emblème de la lutte anti-bassines : elle trône sur les affiches et visuels de lutte et nous avons érigé plusieurs totems géants, portés collectivement par les manifestant.e.s lors des deux manifestations de Sainte-Soline, en octobre 2022 et mars 2023.
Sainte-Soline : un chantier écocidaire et hors-la-loi
Initiative plutôt rare, le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN), à l’unanimité, s’est auto-saisi au printemps 2023, estimant qu’il aurait dû être consulté en amont du chantier. C’est en effet ce qu’exige le code de l’Environnement pour les aménagements permanents et irréversibles en zone de protection spéciale de l’outarde canepetière.
Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) est l’instance nationale d’expertise scientifique et technique compétente en matière de protection de la biodiversité et des écosystèmes. Il est composé de 60 experts interdisciplinaires et indépendants reconnus pour leurs travaux, leurs connaissances scientifiques ou techniques dans les domaines des sciences de la vie et de la terre.
L’avis relatif aux travaux de construction de la méga-bassine de Ste Soline vient d’être rendu, le CNPN affirme que :
- les arrêtés préfectoraux d’autorisation de 2017 et de 2020 auraient dû être précédés d’une demande de dérogation « espèces protégées », procédure en vertu de laquelle il devait être consulté.
- les travaux réalisés sans dérogation n’ont pas donné lieu à des mesures compensatoires visant à « assurer à cette espèce menacée un état de conservation favorable alors même qu’il y a destruction de ses aires de repos et d’alimentation et perturbation de son domaine vital.
- ces mesures s’imposaient d’autant plus que le projet est situé dans une ZPS appelant une étude d’incidences et des mesures de compensation à la hauteur de ces incidences.
- il y a destruction directe d’un minimum de 17 ha d’habitat spécifique et l’existence d’impacts permanents défavorables à l’espèce, du fait notamment d’aménagements connexes et d’une surface irriguée importante.
- il est nécessaire d’évaluer les impacts de la mégabassine de Sainte-Soline sur la population reproductrice de l’outarde canepetière et la faune protégée de la plaine poitevine, ce qui inclut ses impacts cumulés avec les autres projets et les impacts indirects générés par l’infrastructure, en particulier l’augmentation des cultures irriguées
- Les autres conditions d’octroi d’obtention d’une dérogation espèces protégées devront être examinées, en particulier l’absence de solution alternative satisfaisant de moindre impact et la raison impérative d’intérêt public majeure du projet.
EXTRAITS DE L’AVIS DU CNPN
effets directs de la bassine sur les populations d’outarde:
- la bassine » a été aménagée à proximité des domaines vitaux occupés, à une distance susceptible de perturber cette espèce menacée »
- Un suivi de trois individus équipés de balises GPS, cantonnés sur le site des «Terres rouges», endroit d’installation de la réserve de substitution, montre bien que les domaines vitaux des outardes couvrent cette zone (classée en ZPS). Les déplacements enregistrés montrent également que l’aménagement est évité par les oiseaux, qui ne le survolent jamais.
- les merlons de terres installés autour du bassin sur une hauteur d’un peu plus de sept mètres sont également susceptibles de provoquer un effet répulsif voire de barrière sur cette espèce qui évite les écrans verticaux et les obstacles visuels dans son espace vital.
effets indirects de la bassine sur les populations d’outarde :
- Ces retenues ont surtout été conçues pour favoriser des cultures exigeantes en eau (cultures de maïs et d’oléagineux…) pendant les stades de croissance et de maturation des épis et pour des parcelles de grande taille, ce qui accélèrera une forme d’agriculture intensive, privilégiant des cultures très consommatrices en eau et peu compatibles avec la préservation de la faune sauvage de plaine et en premier lieu l’Outarde canepetière. En tout état de cause, les cultures irriguées par arrosage aérien sont désertées par les outardes pour des raisons évidentes de nuisances dues, d’une part, à l’impact des retombées des puissants jets d’eau et, d’autre part, aux dérangements inhérents à la gestion et au déplacement du matériel d’irrigation
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Nouveaux recours juridiques contre la méga-bassine : l’outarde vaincra , tot Outarde!
L’avis du CNPN confirme donc que ce chantier, débuté à la hâte sans dérogation, est hors la loi et est susceptible d’avoir des impacts préjudiciables sur la reproduction des outardes. Nous sommes déterminé.e.s à faire reconnaître juridiquement ce non-respect de la réglementation, et allons engager les poursuites juridiques nécessaires pour stopper les travaux ! Les associations locales et nationales de protection de la nature travaillent d’ores et déjà sur les suites pénales à donner.
Juridiquement, qu’est–ce que ça signifie ?
- L’autorisation environnementale des 16 méga-bassines du bassin versant de la Sèvre Niortaise Marais Poitevin est illégale en ce qu’elle autorise l’exploitation de la méga-bassine de Sainte-Soline sans même s’être souciée du sort des outardes dont l’habitat allait être détruit et la reproduction mise à mal, et sans même en avoir saisi le CNPN ;
- La Coop de l’eau 79 peut être poursuivie pour deux délits : un premier délit puni de 3 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende (L. 415-3 du Code de l’environnement) ; un deuxième puni de 6 mois d’emprisonnement et 300 000 € d’amende (L. 480-4 du Code de l’urbanisme) ;
- Nous pouvons demander la démolition de la méga-bassine de Sainte-Soline !
La mobilisation massive que nous avons initiée contre ce chantier a permis de lui donner une visibilité internationale : nous n’allons rien lâcher et profiter des regards tournés vers Sainte Soline pour démontrer qu’il est possible de mettre un terme aux chantiers destructeurs, malgré leur passage en force.
Les méga-bassines ne se construiront pas ! Le vivant se défend !
NO BASSARAN