Bassines Non Merci relaie ce récit des habitant.e.s de Val du Mignon
Malgré une météo capricieuse, plus de soixante-dix habitant.e.s du territoire (et près de 90 avec les gendarmes) ont répondu à l’appel d’un collectif d’habitant.e.s de Val du Mignon ce dimanche 19 mai 2024 ! En cette journée des moulins, un voyage dans le temps au fil de l’eau était en effet organisé pour cheminer ensemble et constater les ravages de l’accaparement de l’eau, cet élément vital.
Dès 9h, plusieurs cortèges se sont constitués pour explorer les alentours de Val-du-Mignon.
D’un côté, une randonée à pieds arpente les alentours de la commune. Deux habitant.e.s guident le cortège, au rythme de leurs souvenirs d’enfance dans des paysages aujourd’hui disparus. Le groupe constate rapidement la dernière absurdité infligée à la rivière. Des travaux de renaturation avaient été effectués pour permettre d’améliorer le lit du cours d’eau. Mais, le dispositif se révélant trop efficace en ramenant eau et biodiversité dans la zone humide, a déplu à certains qui préféraient utiliser les parcelles autour du Mignon pour générer des revenus. Le dispositif a donc été défait, et des tas de cailloux extraits à la pelleteuse entourent désormais tristement le Mignon, aux côtés des quelques arbres arrachés au passage. La suite du trajet se poursuit sur une note plus joyeuse : des habitant.e.s vivant dans un ancien moulin d’Antigny ouvrent leur porte avec enthousiasme pour partager un bout d’histoire et de patrimoine.
Le convoi de cyclistes s’est quant à lui élancé le long du Mignon et de ses deux affluents, la Subite et le Vendier, autrefois des cours d’eau vivants et jalonnés de moulins performants. Les participant.e.s ont rapidement constaté que les biefs, ces déviations destinées à alimenter les moulins, sont aujourd’hui déjà presque asséchés. Les moulins ne sont plus que reliques, et en lieu et place de la zone humide et des prairies partagées par les agriculteurs se trouvent aujourd’hui des monocultures de peupliers et de maïs. Les anciennes zones d’extension des crues, destinées à protéger les habitations et à réguler l’eau tout au long de l’année, ne peuvent donc plus jouer leur rôle lors des épisodes de pluie intenses, ce qui peut fortement impacter les riverains.
Après quelques coups de pédales supplémentaires, nous trouvons l’origine de ce désastre. Nous traversons une plaine céréalière désertique, où arbres, fleurs et oiseaux ont disparu suite aux remembrements successifs. Les haies qui jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau ne font plus que quelques dizaines de centimètres de large dans les rares endroits où elles existent encore. Les cyclistes arrivent ensuite au pied de la méga-bassine de Mauzé sur le Mignon, où près de 250 000m3 d’eau sont enfermés derrière plusieurs rangées de barbelés. Ils pourront être utilisés par quelques rares argiculteurs qui ont le privilège d’y être connectés. Si autrefois l’irrigation était permise pour tous par une multitude de petits canaux entourant les parcelles et distribuant l’eau par le sol, celui-ci est aujourd’hui asséché par plusieurs pompes destinées à alimenter les cratères. Quelques kilomètres plus loin, nous découvrons un nouvel ouvrage en chantier, la bassine de Priaires. Celle-ci se trouve encore plus en amont du Mignon, son impact sera donc d’autant plus ravageur pour l’ensemble des usagers et des milieux en aval.
Cet ouvrage est au coeur d’un conflit d’intérêt impliquant la maîresse de Val du Mignon et sa famille membre du GAEL de L’Eole. Marie-Christelle Bouchery est en effet l’une des trois bénéficiaires de l’eau accaparée par l’ouvrage dont elle a autorisé la construction, et les habitant.e.s ont donc décidé de s’adresser directement à elle.
Les deux cortèges se rejoignent donc à 11h45 sur la place du village pour une criée publique mettant en lumière les différentes incohérences entre la charte de l’élu et les choix politiques dans la gestion de la commune. Madame Bouchery ne confondrait-elle pas intérêt général et intérêt personnel dans plusieurs affaires ? Cette question est au coeur du courrier qui est déposé dans la boîte de la Mairie. Un autre courrier est ensuite posté sous les acclamations des participant.e.s : un signalement auprès du Parquet National Financier, institution spécialisée dans les affaires de prise illégale d’intérêts. Il reprend les éléments du dossier de plainte déposé au mois de février par près d’une centaine d’habitant.e.s.
Après ce moment d’interpellation des élu.e.s sur l’espace public, nous cheminons ensemble vers le plan d’eau d’Epannes qui doit nous accueillir pour une pause pique-nique poétique. Sur le trajet, nous en profitons pour faire une nouvelle lecture de paysage édifiante : le chantier d’une nouvelle méga-bassine sur les hauteurs de la commune d’Epannes menace directement l’eau potable des habitant.e.s. Les points de pompage sont en effet situés à proximité immédiate de la station de captage d’eau potable, et ce alors que plusieurs chateaux d’eau du village sont déjà hors d’état d’usage.
L’eau ayant été convoquée toute la matinée, elle décide alors de se joindre aux promeneurs.euses ! Un pique-nique pluvieux mais joyeux se met en place autour du plan d’eau. Des lectures de poèmes permettent d’accueillir cette météo avec malice et douceur. Un intermède musical chasse enfin momentanément les nuages, ce qui nous permet de faire une dernière balade botanique à la découverte de la biodiversité que nous chérissons tant. Quelques chants entonnés en coeur sous une pluie battante clotûrent ce beau moment partagé.
Une journée au fil de l’eau riche en informations qui a rassemblé petits et grands, et qui nous a permis de nous mobiliser ensemble pour la préservation de notre lieu de vie et des communs !
Des habitant.e.s de Val-du-Mignon et du territoire
qui eux non plus ne disent pas merci aux bassines !